Histoire et intérêts des grands canots

Le Canot 13 s’inscrit dans l’histoire des embarcations annexes de la Marine ancienne et plus généralement dans celle des canots, chaloupes et baleinières qui existent depuis l’apparition de la marine à voile.

Ces modèles de canots ont pour origine une commande du Ministre de la Marine aux Arsenaux de Cherbourg.

La construction de ces embarcations est programmée d’après les plans de l’ingénieur E. Simonot datant de 1892.

Utilisé par la Marine Nationale ces canots étaient à l’origine destinés aux transferts des marchandises et des équipages quant les navires à voiles restaient en rade. Certains, plus grands (11,50m) servaient de « Canot Major ».

Parfois, en guise de formation à bord des grands navires, à 100 Milles nautiques de la destination, le canot était mis à l’eau avec un jeune équipage, et à l’aide d’une carte et d’instruments de base, ils devaient rallier la base par leurs propres moyens.

« La tradition veut que 100 milles avant d’arriver à une escale, la grosse chaloupe, appelée « la galère », soit mise à l’eau. C’est une embarcation de 10 mètres de long, avec trois mâts.
… L’équipage composé d’une dizaine d’élèves, doit se débrouiller pour rallier l’escale à la voile.
J’ai eu de la chance. Mon groupe, le premier à embarquer, me suit sur la « galère » pour rallier Saintes. L’alizé des Antilles souffle bien, et nous avançons toute la nuit à toute allure.
Quand nous arrivons aux Saintes, dans la matinée, la Jeanne d’Arc nous a précédés de quelques heures à peine… »

Eric TABARLY – « Mémoires du Large » – Edition 1997

Différentes définitions de « canots » et de « chaloupes »

C’est un éternel débat entre gens de mer qui anime les associations, les fêtes et les bistrots pour définir une chaloupe d’un canot.
Il semble admis qu’une chaloupe mesure de 11 à 13 mètres ou plus, et qu’un canot mesure de 7 mètres à 11 mètres.
En témoigne ce cartouche de plan de la MN :cartouche de plan de la MN

Mais qu’en est-il des « canots de service », des « grands canots » ou bien des « canots major ».
Serait-ce l’utilisation du canot qui fasse la différence, plus que l’équipement ?
Il est intéressant de lire plusieurs définitions pour ce faire un avis personnel sur la question.

En voici quelques-unes.

Définitions de « Chaloupes et grands canots » dans les manuels de la Marine :

– Les chaloupes sont beaucoup plus fortes comme construction que les canots.
L’étrave porte un « davier» fixe et l’étambot des ferrures pour recevoir un davier mobile. Les chaloupes n’ont ni fargues ni dames. Les avirons sont tenus par des erseaux sur des « tolets ». Les tons des mats portent des cercles à pitons pour recevoir les haubans. Les drisses de misaine et grand-voile sont à bastaques. Les écoutes sont des palans en trois. Les bancs sont mobiles afin de permettre de débanquer pour les transports de poids.

– Les canots – C’est l’embarcation type dont la nomenclature doit être parfaitement connue. Les éléments constituant cette embarcation se retrouvant dans presque toutes les autres.

Définitions selon le dictionnaire Jean Merrien :

[…] Embarcation non pontée faisant partie de la drôme d’un navire de grande dimension (parfois plus de 10 mètres), mais plus petite que la chaloupe, armant jusqu’à 16 avirons (chaloupe 20 et plus) dont les avirons sont armés à couple (baleinières et yoles, en pointe), bordés à francs bords plus souvent qu’à clins, moins large et robuste mais plus rapide qu’une chaloupe, gréant 2 ou 3 mâts de levée, voiles au tiers (jamais en houaris militaire comme la baleinière l’est parfois, ni en cotre comme la chaloupe) et foc. Aussi long, mais plus étroit bien qu’à tableau,
c’est une yole. Les canots sont utilisés pour le service en rade, et l’évacuation.

Canot major : M.N. canot’ portant les officiers, par opposition au canot’ de service, poste aux choux, canot’ des permissionnaires.

En résumé, on appelait

  • « Canots » (prononcer « canote ») les embarcations marchants à la voile et à l’aviron de moins de 11 mètres de longueur. Ce sont les embarcations de référence de la MN. Elles sont conçues pour tous les usages de services ou de parades militaires, et possèdent un haut franc bord pour pouvoir affronter les vagues de l’océan.
  • « Chaloupes » les embarcations de 11 mètres jusqu’à 13 mètres construites sur la base des plans des canots de 10 mètres.
  • « Youyous » les embarcations de moins de 7 mètres, construites sur la base des canots de 10 mètres.
  • « Yoles » les embarcations avec tableau arrière, plus basses sur l’eau et plus légères, mais parfois plus longues que les canots, par exemple les « Yoles de Bantry » appelées ainsi à tort car, Bantry étant une ville Irlandaise qui a conservé l’unique exemplaire de ses yoles militaires françaises suite à un débarquement désastreux en 1796. Ces yoles avaient une destination plus orientées pour la parade ou la vitesse. Souvent construites à clin.
  • « Baleinières » les embarcations à arrière pointu.

Ces youyous, canots, chaloupes, yoles et baleinières peuplaient et animaient tous les ports, militaires et de commerces.

Prenons conscience, il y a encore pas si longtemps, que les navires et les embarcations fonctionnaient sans moteur, donc à la voile et aux avirons.

Le chantier de reconstruction de la frégate L’HERMIONE a réalisé des canots et chaloupes conformes à ceux qui existaient au XVIIe siècle.

Il n’y a pas de doute possible sur la conception identique aux embarcations de la fin du XIXe tel le Canot 13.
L’évolution des modes de construction fait la seule différence, par exemple sur le Canot 13 les membrures sont réalisées en bois ployé, alors qu’au XVIIe elles étaient réalisées en bois scié générant des échantillonnages plus importants.

Les canots étaient de toutes les manœuvres, embarquements, transferts de marchandises, communications entre navires, actes de guerre et de piraterie (chasses aux navires et opérations de flibustiers), pêche, sauvetage en mer.

Ils furent aussi l’outil nécessaire aux explorations des nouvelles côtes et embouchures.

A ce titre, le Musée de la Marine a trouvé approprié d’offrir le Canot 19, identique au Canot 13 et provenant du CFM Hourtin, à la ville de Québec en mémoire du 450ème anniversaire de la découverte du Fleuve St-Laurent par Jacques Cartier.

Ces canots avaient l’avantage de pouvoir évoluer rapidement à toutes les allures y compris contre le vent grâce aux avirons. Le faible tirant d’eau et la quille longue permettant de remonter des rivières et le hisser sur l’estran pour le protéger ou le dissimuler.

Autrefois, les canots étaient conçus et utilisés pour embarquer jusqu’à une cinquantaine d’hommes ou 3 tonnes de fret.
C’est au XVIIème siècle que se marquent les évolutions majeures dans les formes de la coque et des voiles.

Les canots étaient rondouillards, à la forme du brion d’étrave, sur la jonction des bordés à la proue, sur l’arrière qui pouvait être arrondit sans tableaux ou bien avec un très large tableau donnant l’impression d’une grande chaloupe coupée.

Leurs formes s’affinent et les lignes s’étirent grâce au brion qui prend un angle presque droit étirant la forme de la proue, et la quille longue plonge vers l’arrière donnant un meilleur plan de dérive et permet de donner des lignes de fuites plus fluides. Les formes au maître bau s’aplatissent.

Les voiles carrées faites de toile de chanvre, d’abord conservent leur forme (vergue horizontale) en passant de la position perpendiculaire à l’axe du bateau à la position axiale en dépassant d’un tiers à l’avant du mat, puis elles élèvent la pointe de la vergue vers le ciel pour aller chercher le vent au plus haut et ainsi remonter au plus près de son lit.

En observant de près les tableaux et les gravures d’époque représentants des grands vaisseaux à voiles, vous y distinguerez les canots à la manœuvre pleins à craquer.

Les romans historiques maritimes montrent quelle était la place prépondérante des canots dans la vie quotidienne des marins.

Comment les jeunes officiers étaient fiers de recevoir le commandement d’une embarcation et son équipage, « patron de canot » étant la première étape du commandement d’un navire pour tous les futurs capitaines.

C’est une embarcation très stable et simple à manœuvrer.
Elle requiert peu d’aptitudes physiques mais peut devenir un outil sportif intéressant, tant à la voile qu’à l’aviron. Ses francs bords bien relevés rendent le canot très sûr à la vague.
Il gîte peu, et l’équipage est toujours en sécurité, y compris les plus petits à condition de ne pas monter sur les bancs.
Elle est idéale pour la découverte du milieu marin et l’initiation à la pratique de la voile/avirons traditionnelle, notamment pour les jeunes.
C’est ainsi que les scouts marins ont adopté durant de longues année les canots pour des adolescents dans des lieux très différents comme Brest, Toulon, ou Casablanca au Maroc.

En somme, beaucoup d’hommes, peut-être bien des milliers, aujourd’hui de tous âges, peuvent encore témoigner d’avoir reçu un jour leur premier apprentissage du sens marin à bord de l’un de ces canots.

Nous pensons qu’ils en gardent tous un souvenir impérissable et un goût si particulier qu’on ne trouve nulle par ailleurs.

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